Le gouvernement peut-il suspendre Shein ?

Denis Allard
Publié le
6/11/2025

Qui gagnera, Shein ou S. Lecornu ? Alors que la marque d’ultra fast-fashion vient d’ouvrir au cœur de Paris, le gouvernement cherche à suspendre son site.

Pourquoi on en parle ? Après que des poupées sexuelles à tête d’enfant aient été trouvées sur le site de Shein, le gouvernement justifie sa demande de suspension par le “caractère grave et systématique des infractions de la plateforme.” Et cette bataille est inédite en France.

Dans les faits : Les poupées, vendues par un vendeur tiers de la province du Guangdong (sud de la Chine), ont été signalées au Parquet de Paris, qui a ouvert une enquête. Shein a depuis retiré les annonces et suspendu la vente de produits par des tiers sur sa plateforme en France, mais le mal est fait…

  • Rappel : Ce bad buzz arrive au pire moment pour Shein : la plateforme cherche à construire un réseau de points de vente physiques en France, où elle est déjà la numéro 5 des ventes de vêtements. Et pour ça, elle s’est associée à l’entrepreneur F. Merlin, qui devrait amener Shein dans sept villes françaises.

Problème : Le Digital Services Act européen (DSA), entré en vigueur en 2024, place Shein dans la catégorie des VLOP (Very Large Online Platforms). En clair, seul Bruxelles est censé pouvoir sanctionner, donc pour Alexandre Archambault, avocat spécialisé, la France flirte avec le hors-jeu juridique.


Un peu de recul. Ce n’est pas la première fois que l’État tente le bras de fer numérique. Le site américain Wish avait été déréférencé des moteurs de recherche en 2021 après une enquête sur la dangerosité de ses produits. Mais ça, c’était avant le DSA. Impossible de répliquer le même scénario aujourd’hui.

  • Donc maintenant que les géants du discount Temu, Shein et Alibaba sont là, tout le défi, c’est d’assurer la survie des commerces de centres-villes. Et pour l’instant, c’est l’hécatombe : le prêt-à-porter a perdu 50 000 emplois en 10 ans, et en 2024, 10,64% des commerces de centres-villes français étaient vacants.

Comment faire ? Pour freiner le désastre, un rapport remis au gouvernement recommande de :

  • Taxer les entrepôts des plateformes de vente en ligne sur le même barème que les commerces physiques

  • Taxer les petits colis

  • Déréférencer les plateformes qui contreviennent “aux réglementations sanitaire, environnementale et sociale” françaises (coucou les chargeurs combustibles de Shein)

Bref. Cette procédure lancée par le gouvernement pourrait faire date. Si jamais la suspension passe, l'État ouvre une brèche dans l’application du droit européen, mais si elle échoue, Shein gagne en légitimité et s’installe encore plus solidement dans l’Hexagone...